Tout savoir sur la durée de validité du permis de construire !
Anne Migault
3/10/20258 min read


Une fois le permis de construire obtenu, encore faut-il procéder à la réalisation des travaux de construction pendant son délai de validité. A défaut, les travaux ne sont plus couverts par une autorisation et l’administration pourra vous mettre en demeure de procéder à leur régularisation (par le dépôt d’un permis de construire ou par une remise en état). En outre, il ne sera plus possible de déposer un permis de construire modificatif.
Certes, les opérations de construction peuvent se confronter à plusieurs obstacles (conditions météorologiques défavorables, problèmes d'approvisionnement...) entraînant des retards conséquents. C'est probablement pour tenir compte de cette réalité que le pouvoir règlementaire a préféré instaurer un délai encadrant non pas l'achèvement des travaux, mais leur commencement et leur poursuite. Il a ainsi prévu une durée initiale de 3 ans pendant laquelle les travaux doivent être entamés. À l'issue de ce délai, les travaux ne doivent pas être interrompus pendant plus d’1 an.
Il est toutefois crucial de bien connaître les travaux faisant obstacle à la péremption du permis de construire, ainsi que les causes de prorogation, de suspension et d’interruption des délais de validité de ce permis et autres autorisations d’urbanisme. Cet article fait le point sur ces aspects, en intégrant les précisions apportées par le Conseil d’Etat dans son arrêt récent du 21 février 2025 (7ème et 2ème SS réunies, n°493902).
I- La durée de validité du permis et autres autorisations d'urbanisme.
Durée de validité initiale de 3 ans : bien identifier le point de départ.
L’article R.424-17 du Code de l’urbanisme impose aux propriétaires d’entamer les travaux dans les 3 ans suivant la notification (en cas d’autorisation expresse) ou de l’obtention (en cas d’autorisation tacite) du permis de construire, d'aménager ou de démolir.
Le point de départ du délai est reporté lorsque le projet nécessite plusieurs autorisations et commence alors à la date de l’obtention de la dernière autorisation nécessaire à la réalisation du projet (article R.424-20 du Code de l’urbanisme).
A l’issue de ce délai de 3 ans : une obligation de ne pas interrompre les travaux pendant une durée supérieure à un an.
À la suite de ce délai de trois ans, les travaux ne doivent pas être interrompus pendant plus d’un an. Ce délai d’un an au-delà duquel l'interruption de travaux rend caduc le permis de construire, ne commence à courir qu'après l'expiration du premier délai fixé pour leur engagement. Autrement dit, l’interruption des travaux pendant 1 an au cours du délai initial de validité du permis de construire de 3 ans n’entraîne pas la caducité de l’autorisation délivrée (CE, 1re et 6e, 10 mai 2017, SCI La Bruyère et M. Rondeau, n° 399405).
Les autorisations disposant d’une durée de validité dérogatoire.
Ces principes mentionnés ci-avant sont applicables aux permis de construire, de démolir et d’aménager ainsi qu’aux déclarations préalables portant sur la réalisation de travaux (article R.424-17 du Code de l’urbanisme). En revanche, pour les déclarations préalables portant sur un changement de destination ou sur une division de terrain ou encore sur l'installation d'une caravane ou sur la mise à disposition des campeurs de terrains, l’opération doit être réalisée dans le délai de trois ans suivant la notification ou l’obtention de l’autorisation (article R.424-18 du Code de l’urbanisme). Cette solution est logique dans la mesure où il s’agit d’opérations ponctuelles qui ne sont pas réalisées sur un temps long.
En outre, l’article R.424-17-1 du Code de l’urbanisme étend à 2 ans la période d'interruption des travaux au-delà de laquelle l'autorisation est frappée de caducité, spécifiquement pour les projets de mise en conformité des parcs de stationnement soumis aux exigences de l'article L.119-1 du Code de l'urbanisme (concernant la végétalisation, l'installation de panneaux solaires et la gestion des eaux pluviales).
Les travaux susceptibles de faire obstacle à la péremption du permis de construire.
Pour éviter de faire artificiellement proroger les délais, le juge vérifie que la nature et l’ampleur des travaux soient proportionnés au projet autorisé et n’ont pas été réalisés uniquement pour contourner cette péremption. Les travaux doivent être substantiels et ne pas se limiter à des préparatifs mineurs, comme l'aménagement de voies coupe-feu ou de plateformes pour véhicules, ou encore à des travaux de débroussaillage (CE, 16 févr. 1979, SCI Cap Naïo, n°03646, Lebon ; CE, Sect., 4 juin 1982, Sté Tradimo, n°26684, Lebon) ou de terrassement, sans fondation (CE, 21 juin 2002, Commune du Cannet-des-Maures, n°211864) ou encore des sondages et travaux d’enrochement (CE, 15 juillet 2004, M. Armand X…, n°260751, mentionné aux tables).
Même substantiels, les travaux doivent être proportionnels à l'importance du projet. À titre d’exemple, un permis de construire délivré pour 500 maisons individuelles, prorogé deux fois, avec seulement quatre pavillons construits à raison d'un par an, ne peut être considéré comme une entreprise de construction suffisante pour interrompre le délai de péremption (CE 2 déc. 1987, Sté civile professionnelle "Val Rose", n°56789). En revanche, sont considérés comme suffisants, les travaux de démolition d’une certaine importance et directement liés au permis de construire (CE, 8 novembre 2000, L’Eurl Les Maisons Traditionnelles, n°197505, Lebon).
Enfin, le Juge va vérifier si les travaux n’ont pas été réalisés dans le seul but d’échapper à la péremption (CE, Sect. 3et 5, 3 janv. 1975, SCI Foncière Cannes-Bénéfiat, n°93525 Lebon).
En réalité, les juges du fond exercent un pouvoir souverain d’appréciation sur le caractère suffisant des travaux ; de sorte que la jurisprudence reste assez casuistique.
II. Le cas de prorogation, suspension et d’interruption des délais.
La prorogation, suspension et l’interruption des délais ont pour commun de faire allonger le délai de validité de l’autorisation d’urbanisme délivrée. En revanche, leur objet et effet diffèrent.
II.1. La prorogation de la validité de l'autorisation d'urbanisme.
La prorogation étend la durée de validité d'une autorisation d'urbanisme conformément aux délais réglementaires en vigueur. Elle peut intervenir soit lorsque le pouvoir réglementaire prolonge collectivement la validité des autorisations pour une période déterminée (Ex : Décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 qui avait prolongé d’un an le délai de validité des autorisations d’urbanisme en cours de validité du 30 décembre 2014 ou délivrés jusqu'au 31 décembre 2015 inclus).
Elle peut également intervenir à la demande du titulaire du permis de construire, de démolir ou d’aménager, en application de l'article R.424-21 du Code de l'urbanisme qui permet au titulaire d'un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de solliciter deux prorogations successives d'un an chacune.
Délai imparti pour la demande de prorogation des autorisations d’urbanisme.
La demande de prorogation doit intervenir deux mois avant l’expiration du délai de validité (article R.424-22 du Code de l’urbanisme).
Condition de fond : l’absence d’évolution défavorable des règles d’urbanisme.
Cette prorogation individuelle est par ailleurs soumise à une condition essentielle : l'absence d'évolution défavorable des « prescriptions d'urbanisme et servitudes administratives de tous ordres » applicables au projet. A été considéré comme une modification défavorable des servitudes administratives, l’arrêté d'archéologie préventive imposant des contraintes supplémentaires par rapport à celles initialement prévues (CE, 7ème et 2ème SS réunies, 23 février 2005, Ministre de l’équipement, n°271131).
En revanche, l’administration ne peut justifier un refus de prorogation ni par un changement d'interprétation des textes applicables (CE, 11 décembre 2015, Société Compagnie du Vent, n°371567-371568), ni par l'apparition d'éléments factuels nouveaux (CE, Section, 5 novembre 2003, Commune d'Èze, n°230535).
II.2. La suspension du délai de validité de l’autorisation d’urbanisme.
Nature de la suspension.
La suspension du délai de validité de l'autorisation d'urbanisme intervient à la suite d'un des recours prévu à l'article R.424-19 du Code de l'urbanisme, jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable, c'est-à-dire une dont les voies et délais de recours ont expiré (CE, 2ème et 7ème ch. réunies, 21 février 2025, n°493902, mentionné aux tables). Le délai recommence alors à courir non depuis le début, mais pour le temps de validité restant.
Recours susceptible d’entraîner la suspension de la durée de validité de l’autorisation d’urbanisme.
Les recours entraînant la suspension de la durée de validité du permis de construire, de démolir ou d'aménager sont : « les recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13 » et enfin les recours « contre une décision prévue par une législation connexe donnant lieu à une réalisation différée des travaux dans l'attente de son obtention » (article R.424-19 du Code de l'urbanisme précité). À ce titre, entraîne la suspension de la validité du permis de construire, le recours par les tiers contre le permis de construire ou même le refus de permis de construire modificatif (CE, 3ème - 8ème ch. réunies, 19 juin 2020, Mme C... E...., n°434671).
En revanche, ne constituent pas une cause de suspension, le recours d'un pétitionnaire contre un refus de délivrance d'un permis de construire modificatif (CE, 6ème et 5ème ch. réunies, 21 févr. 2018, SCCV Les Balcons de l’Arly, n°402109) ou encore un recours gracieux (CAA Lyon, 12 oct. 2021, SCI Walker, n°20LY00483) ou encore un recours devant le Tribunal correctionnel ou de la commune en application de l’article L424-14 du Code de l’urbanisme (CAA Toulouse, 7 décembre 2023, M. B... A... , n° 21TL03410).
II.3. L’interruption du délai de validité de l’autorisation d’urbanisme.
Le fait de l’administration.
Enfin, au-delà de ce qui a été prévu par le pouvoir règlementaire, la jurisprudence a reconnu comme cause d'interruption de la validité du permis de construire les situations où l'administration elle-même fait obstacle à l'exécution des travaux. Il en est ainsi en cas de retrait de l’autorisation délivrée ou encore si l’administration a procédé au retrait de l’autorisation délivrée (CE, 10ème et 9ème ss-sections réunies, 30 juillet 2003, n°255368). Le délai de validité du permis de construire recommence à courir intégralement, après que le fait de l’administration ait cessé.
Le fait d’un autre tiers à la condition qu’il présente le caractère de la force majeur.
En matière d'interruption causée par l'intervention d'un tiers, la position jurisprudentielle se révèle nettement plus exigeante. Les tribunaux subordonnent la reconnaissance d'une telle interruption à la caractérisation d'une force majeure, qui doit remplir trois conditions cumulatives : extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité.
Il a ainsi été jugé qu’une occupation de terrain préexistante à la délivrance du permis de construire, connue ou connaissable avant même l'obtention de l'autorisation, ne peut constituer un cas de force majeure (CAA Bordeaux, 08 février 2022, n°19BX04513).
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